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Cette richesse demande une approche particulière pour être préservée. Nous allons vous présenter cette approche après avoir rappelé quelques grandes lignes sous-tendant cette apparente complexité.
Chaux aérienne
Nous appelons chaux, la chaux pure, c'est à dire la chaux aérienne (appelée aussi chaux grasse) (nota bene : pour la distinction avec la chaux hydraulique cliquez ici) : elle est ainsi appelée parce qu'elle ne fait pas de prise dans l'eau mais uniquement sous l'action de l'air (ou plus exactement du gaz carbonique, ou CO², qu'il contient) : quand elle est mise en pâte ou en mortier, avec de l'eau et du sable, elle reste pâteuse sans durcir : un simple film d'eau à sa surface suffit à l'empêcher de prendre. C'est cette propriété qui permettait aux anciens de sélectionner les gisements de pierre adaptés, puis de contrôler leur constance et leur qualité. Ceci explique, entre autres, l'importance que les anciens accordait à une longue période de "maturation" de la chaux sous forme de pâte avant utilisation (de 1 mois à plusieurs années). Inversement, ce phénomène permet d'être sûr que les textes qui parlent de chaux en pâte, de chaux "corroyées" (c'est à dire éteinte avec du sable humide, par opposition avec la technique consistant à éteindre avec de l'eau seule avant d'ajouter du sable) ou de chaux préparée d'avance au début du chantier, parlent bien de chaux aérienne. Après pose sur le mur et séchage, la chaux commence son durcissement par prise à l'air. Cette prise est très lente et commence par l'extérieur. Plus l'épaisseur est importante, plus l'air a du mal a pénétrer profondément : cela explique que les enduits à la chaux aérienne seule ne dépassent que très rarement 12 mm.
Techniquement
Cette chaux est le résultat de la cuisson d'un calcaire pur (par exemple un marbre ou une craie). Cette cuisson donne la "chaux vive" qui devient de la "chaux éteinte" par ajout d'eau. Si cette extinction se fait avec la quantité d'eau juste nécessaire, on obtient une chaux aérienne éteinte en poudre. Ultérieurement, lors de l'utilisation, on ajoute de l'eau pour obtenir une pâte. Si l'extinction se fait avec un surplus d'eau, on obtient directement une chaux en pâte. Si l'extinction se fait avec du sable humide (technique du "corroyage"), on obtient directement un mortier de chaux.
Chimiquement :
Produit de départ
Calcaire
Soit : Carbonate de calcium
Soit : Ca CO3
Cuisson
Calcaire donne Chaux vive + gaz carbonique par chauffage au-dessus de 900 °C
Soit : Carbonate de calcium donne oxyde de calcium + dioxyde de carbone
Soit : Ca CO3 donne Ca O + CO²
Extinction
Chaux vive + eau donne chaux éteinte
Soit : oxyde de calcium + eau donne hydroxyde de calcium
Soit : CaO + H²O donne Ca(OH)²
Prise
chaux éteinte + gaz carbonique donne calcaire + eau (qui s'évapore)
Soit : Hydroxyde de calcium + dioxyde de carbone donne carbonate de calcium + eau
Soit : Ca (OH)² + CO² donne Ca CO3 + 1/2 H²O
Bâtardage de la chaux aérienne
La prise très lente de la chaux aérienne la rend fragile à court terme (cela n'a cependant pas empêché son utilisation seule, dès l'époque romaine).
C'est pourquoi il a existé de nombreux efforts pour lui donner une meilleure montée en résistance.
Pour cela, elle a été bâtardée avec de nombreux produits qui présentent une prise à l'eau (d'où le terme général d'"hydraulisation" donnée à cette supplémentation) pour donner une chaux hydraulisée, souvent appelé de façon un peu trompeuse chaux hydraulique (il vaudrait mieux parler de chaux & hydraulique).
La méthode la plus simple (et certainement la plus ancienne et la plus oubliée) est l'ajout de plâtre. La prise de ce dernier assure très rapidement une bonne résistance mécanique et une mise hors gel (quelques heures). Ensuite, la grande porosité du plâtre laisse la carbonataion se faire normalement. On a ici la grande classe des chaux & plâtre, beaucoup plus répandu que l'on croit.
Une autre méthode est d'utiliser la prise pouzzolanique : c'est à dire l'ajout de matières qui ne font pas prises seules mais qui, en présence de chaux, font prise (la chaux sert autant de réactif que de liant). Les ajouts pouzzolaniques les plus connus sont : la pouzzolane bien sûr, le tuilot (broyat de brique), mais aussi les cendres de riz, les laitiers de hauts-forneaux, ou encore certaines argiles. Ces techniques ont été très utilisées par les romains, en particulier pour les ouvrages soumis à de fortes contraintes techniques.
Les réactions complexes de la chaux avec l'argile, ou plutôt les argiles, ont également été mises à contribution pour faciliter la mise en oeuvre de la chaux. Le caractère local des savoir-faire est ici particulièrement marqué.
La méthode devenue la plus courante au cours du XIXème est la complémentation hydraulique silico-aluminique : c'est à dire en utilisant des silico-aluminates de calcium (C2S,C3S et/ou C3A en particulier) formés en cuisant à forte température des silices ou des alumines. Cette complémentation se fait donc soit ajoutant des liants silico-aluminique purs (ciment prompt, puis ciment Portland, ...), soit en fabriquant la chaux avec avec des pierres calcaires contenant "naturellement" en impuretés de la silice et de l'alumine qui forment lors de la cuisson ces phases silico-aluminiques. Ces 2 cas correspondent aux anciennes dénominations "chaux hydraulique artificielle" et "chaux hydraulique naturelle" (il serait plus correct de dire chaux hydraulisée artificiellement et chaux hydraulisée naturellement, ou encore bâtard artificiel et bâtard naturel).
Des développements plus récents ont encore proposé de nouvelles méthodes de bâtardage : fumées de silice, métakaolin, ciments alumineux, etc …