"Histoire naturelle" - Pline
Extrait tiré du livre XXXVI de l'"Histoire naturelle" de Pline
(remerciements au site remacle.org)
Cf aussi :
A noter les § LV : on utilise de la chaux que l'on laisse tremper trois ans avant de l'utiliser : il s'agit de chaux aérienne (cf ailleurs : "la plus vive" ; "la plus grasse" )
et LIX sur le plâtre.
L.
[1] Quand on se défie d'une pierre, la
précaution à prendre est de l'enlever en été, et de ne l'employer dans
les constructions qu'au bout de deux ans, après qu'elle a été faite aux
saisons. Celles qui se trouvent avariées s'utilisent dans les
fondements; celles qui ont résisté peuvent s'employer avec confiance,
même à découvert.
LI.
[1] Les Grecs font une espèce de
briquetage avec des pierres dures ou des cailloux d'égale dimension. Ce
genre de construction est ce qu'ils nomment isodomon. Si les matériaux
sont d'inégale dimension, la construction se somme pseudisomodon. Le
trosieme genre se nomme emplecton: les parties de montre sont seules
égalisées, le reste est construit à l'aventure. Il faut que les pierres
chevauchent l'une sur l'autre alternativement, de sorte que le milieu
d'une pierre pose sur la ligne d'assemblage de deux autres, et cela
dans le plein même du la muraille, si la chose est possible; sinon sur
les deux faces du moins. Quand on remplit le dedans de la muraille de
fragments, la bâtisse se nomme diamicton. La construction en losange,
très usuelle à Rome, est sujette à se crevasser. Les constructions
doivent être faites à l'équerre et au niveau, et être d'aplomb.
LII. (XXIII.)
[1] Pour la construction des citernes il
faut cinq parties de sable pur et graveleux, sur deux parties de la
chaux la plus vive, et des fragments de silex pesant au plus une livre.
Ainsi établis, on foule le fond et les parois avec des maillets ferrés.
Le mieux est d'avoir des ci-ternes doubles, de façon que les impuretés
s'arrêtent dans la première, et que, se filtrant, l'eau passe aussi
pure que possible dans la seconde.
LIII.
[1] Caton le Censeur (De re rustic.
XXXVIII) n'approuve point la chaux faite de pierres de différentes
couleurs. La pierre blanche donne la meilleure. La chaux faite de
pierres dures vaut mieux pour les bâtisses; celle de pierres poreuses,
pour les enduits. Pour ces deux emplois on rejette la chaux faite avec
la silice. La pierre extraite des carrières fournit de meilleure chaux
que celle qu'on prend sur les rives des fleuves. La chaux de la pierre
meulière est la meilleure, parce que cette pierre est naturellement
plus grasse que les autres. Chose singulière, de voir une substance
qui, ayant passé par le feu, s'allume dans l'eau!
LIV.
[1] Il y a trois espèces de sable : le
fossile, auquel on doit ajouter un quart de chaux, le fluvial et le
marin, auxquels en doit en ajouter un tiers. L'addition d'un tiers de
poterie pilée rend le mortier meilleur. De l'Apennin au Pô, on ne
trouve pas de sable fossile, non plus qu'au delà des mers.
LV.
[1] La cause de la ruine de tant
d'édifices à Rome, c'est que, par une épargne frauduleuse de chaux, les
moellons sont réunis sans ce qui doit les souder. Plus la chaux fusée
est vieille, mieux elle tient. Dans les lois qui réglaient anciennement
les constructions, il est dit que l'entrepreneur n'emploiera pas de
chaux de moins de trois ans : aussi aucune crevasse n'est venue
défigurer les enduits des anciennes morailles. A l'égard de l'enduit
extérieur, il n'est pas suffisamment brillant, à moins de trois couches
de mortier de sable et de deux couches de mortier de marbre. Dans les
lieux marécageux ou voisins de la mer, on substituera au mortier de
sable un mortier de tessons broyés. En Grèce, on pétrit dans un mortier
avec des pilons de bois l'enduit préparé au sable qu'on va mettre à la
maison. On reconnaît que le mortier au marbre est bien préparé
lorsqu'il ne s'attache plus a la truelle. Au contraire, si l'on ne veut
que crépir, il faut que la chaux qui a trempé longtemps tienne à la
truelle comme de la colle. Pour cet usage il ne faut faire tremper la
chaux qu'en mottes. A Élis est un temple de Minerve dans lequel
Panaenus, frère de Phidias, a mis un enduit composé, dit-on, de lait et
de safran; aussi cet enduit donne-t-il une odeur et un goût de safran
si, même aujourd'hui, on le frotte avec le pouce humecté de salive.
(....)
LVIII. [1]
La malthe se fait avec de la chaux récente en mottes, qu'on
éteint dans du vin; on triture cette chaux avec de la graisse de porc
et des figues ; on en applique deux couches. C'est de tous les enduits
le plus tenace; il est plus dur que la pierre. Avant d'appliquer la
malthe on frotte d'huile la muraille.
LIX.
[1] Le gypse a du rapport avec la chaux;
il y en a plusieurs espèces. L'un est une pierre calcinée; tel est
celui de Syrie et de Thurium. Un autre s'extrait de la terre, comme en
Chypre et dans la Perrhébie (IV, 3). Celui de Tymphée (IV, 3) est à
fleur de terre. La pierre que l'on calcine doit ne différer guère de
l'alabastrite ou de marbre. En Syrie on choisit pour cette opération
les pierres les plus dures, et on les calcine avec de la bouse de vache
pour accélérer la cuisson. L'expérience a prouvé que le meilleur gypse
se fait avec la pierre spéculaire, ou avec une pierre ayant comme elle
des feuillets écailleux.
[2]
Il faut employer le gypse aussitôt après l'avoir détrempé, car II se
durcit très vite. Toutefois il se laisse de nouveau triturer et réduire
en poudre. Le gypse est excellent pour faire les crépissages, et pour
orner les écussons et les couronnements des édifices. Il est au sujet
du gypse un fait mémorable : C. Proculéius (VII, 46), qui jouissait de
l'amitié de l'empereur Auguste, avala du gypse dans une très violente
douleur d'estomac, et se donna la mort.
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