Intranet Français | English | Español | عربي
Plâtre.com

Murs à pêches de Montreuil

Merci beaucoup à Philippe Schuller, secrétaire général de la Société régionale d’horticulture de Montreuil pour le texte qui suit.

A noter que les essais mentionnés en fin de texte ont été réalisés avec un mortier de hourdage à la terre 3M (Mortier à Maçonner les Murs), du plâtre gros PG 30 et une variété particulière de Plâtre Briard, le 3P (Plâtre à Palisser les Pêchers), mis au point par Plâtre.com.

A noter également que le Potager du Roi du Château de Versailles, égélament mentionnés, est également fait en Plâtre Briard : exéprience faite, les arbres fruitiers s'en trouvent effectivement très bien.

La légende des murs à pêches de Montreuil

Ils bien difficile de dire quand et comment sont nés les murs à pêches. Certains auteurs du 18ème siècle, dont l’abbé Schabol, font remonter la création des murs vers 1650i. Mais, la seule preuve que nous ayons de ces dires, est un acte notarié daté de 1670 qui parle de jardin clos de murs et d’arbres en espalierii. Peut-on sur ce seul document attesté de l’existence de pratiques culturales significatives ? En 1706, un ouvrage intitulé « Traité ou abrégé curieux et très utile touchant les jardinages » décrit l’existence d’un grand nombre de jardins de culture de pêchers qui font vraisemblablement référence à Montreuiliii mais sans être précisément cité. C’est seulement en 1730, sur la « cartographie de Paris et ses environs » du sieur Roussel, que l’on voit très clairement l’implantation de murs à pêches sur Montreuil et Bagnolet. A Versailles, en 1683, Jean Baptiste de La Quintinieiv, achève le Potager du roi, et met en place « onze petits jardins tout enclos de murailles » destinés à la culture des pêchers. Versailles et Montreuil se disputent donc la paternité des murs et ce débat entre une origine populaire montreuilloise ou une origine aristocratique marque le début de la légendev.

Quelque soit leurs origines, les murs à pêches sont avant tout une aventure économique. Etablir et développer une production fruitière par un tel investissement parait possible pour les cultivateurs. Car sur Montreuil et Bagnolet la nature du sol fournit du gypse et des pierres de silex en abondance et puis surtout, le marché parisien est aux portes de la ville. Le pari a été gagné et l’on a construit des murs à pêches jusqu’au milieu du 19émé siècle. En 1786, il existe 110 hectares de jardins clos de murs, en 1808, 290 hectares sur une commune de 945 hectares. Les cultures en espalier vont représenter quasiment la moitié de la surface cultivée à Montreuil. Au sein de ces cultures fruitières les pêchers représentent un peu plus de la moitié de la production à coté des cerisiers, des pruniers, des abricotiers, des pommiers et des poiriers et de la vigne. Au milieu des jardins, on cultive des fleurs, des petits fruits rouges ou de légumes ou bien encore des arbres fruitiers.


Comment sont construits les murs à pêches.

Pour construire les murs, les cultivateurs utilisent les savoir-faire disponibles dans leur région. Le mode de construction des murs de Montreuil n’est pas dicté par la recherche d’innovation. La construction des murs à pêches de Montreuil est tout naturellement celui de l’habitat populaire de Paris et de la petite couronne. Habitat fait de simples pierres et de plâtre. Les pierres de taille produites dans la région parisienne étant réservés à l’habitat bourgeois. Les murs à pêches sont des constructions à la durée de vie aussi précaire que les maisons populaire du quartier de Montmartrevi.

Les murs de Montreuil mesurent 2m80 à 3 mètres de hauteur. Ils sont à leur base larges de 50 cm et à leur sommet larges de 40 cm. Ils sont construits le plus souvent avec des pierres de silex, du plâtre et de la terre. Un chaperon en plâtre coiffe le mur afin d’éviter les infiltrations d’eau. Les parois sont enduites de plâtre afin d’assurer la protection de l’ensemble. Pour faire des économies sur les matériaux, on préfèrait souvent prendre le gypse brut et le cuire sur place dans des fours artisanaux. Les murs sont espacés entre eux de 7 à 10 mètres. L’orientation la plus équilibrée reste l’orientation nord-sud qui permet de disposer d’une face au levant et d’une autre au couchant. L’orientation est-ouest permet de disposer d’une face sud favorable aux cultures hâtives et une face nord plus difficile à exploiter. L’enduit a pour fonction le palissage des arbres. Car à Montreuil les cultivateurs palissent « à la loque », ce qui explique l’épaisseur de 3-4 cm de ces enduits. Le palissage à la loque consiste à entourer les branches d’un morceau d’étoffe que l’on plante avec un clou dans le mur. Cette technique est connue depuis au moins 1651vii et ne semble pas spécialement attachée à Montreuil.


A quoi servent réellement les murs et qu’apporte t-il de si important.

Hier comme aujourd’hui, l’arboriculteur a deux ennemis climatiques majeurs pour sa production, la grêle et le gel. Les fleurs des arbres fruitiers ne résistent pas à des températures en dessous de -2°. Il faut donc lutter contre la chute des températures pour préserver la récolte. On dit communément des murs à pêches qu’ils restituent la nuit la chaleur du jour. On ne sait, en fait, que peu de chose sur les performances thermiques des murs à pêches et le rôle de chaque matériau. Les murs à pêches ont évidemment une inertie face aux modifications climatiques. Quand il fait chaud ils se réchauffent lentement, quand il fait froid, ils se refroidissent lentement. Cette inertie est surtout le fait de la terre et du plâtre contenus dans le mur qui absorbent et rejettent l’humidité du sol et de l’air. L’enduit de plâtre fonctionne comme une peau qui participe à ces échanges hydriquesviii. La masse constituée par ces centaines de kilomètres de murs avait peut-être un impact sur le climat local. Les météorologues constatent des variations de température de parfois 3 à 5° C sur des zones locales où la densité des constructions est forte. Les murs à pêches pouvaient-ils provoquer de tels écarts ? Ce qui est certain, c’est que les murs à pêches seuls ne protégeaient pas les fleurs des arbres du gel. Les murs à pêche étaient accessoirisés avec des dispositifs de toiles et de paillassons afin d’essayer de préserver les fleurs du gel. À la moindre alerte les cultivateurs mettent en place ces toiles pour préserver les fleurs des arbres. Pour lutter contre la grêle, les chaperons sont allongés par des paillassons qui étaient installés juste en dessous sur des tiges de fer ou de bois scellé dans le mur. Les murs à pêches, et l’ensemble des accessoires, outils et techniques associées, seront un remarquable outil horticole pour le plus grand bénéfice des arbres et des cultivateurs pendant plus d’un siècle et ce jusqu'à la deuxième moitié du 19ème siècle


La fin des murs à pêches…

Car à partir de 1857, la ligne de train Paris-Lyon-Marseille transporte les pêches du sud sur le marché parisien et concurrence les pêches de Montreuil. Cette concurrence est un des éléments qui conduira à la disparition des cultures fruitières. Mais surtout, la production montreuilloise est condamné dés la fin du 19émé siècle du fait du développement accéléré de la commune et de ces petites industries qui séparent la ville en deux mondes qui ne peuvent cohabité. En 1907, à Montreuil, sur plus de 30 000 habitants, moins de 10% vivent de 75 % du territoire. Face à cette réalité social et économique, pour certains cultivateurs, le départ est inéluctable et marque la disparition du monde rural aux portes de Paris. Seul subsistera jusqu’à aujourd’hui des exploitations aux surfaces de plus en plus petites où la production florale devenue principale est vendue sur les marchés de proximité.


Les murs à pêches demain…

Aujourd’hui, les images de ces labyrinthes de murs nous laissent rêveurs et nous rendent nostalgique de ce paysage disparu. La multitude de carte postales anciennes montrent que ce paysage artificiel ainsi crée aux portes de Paris à contribuer à la notoriété de la production. Cela justifie pleinement le classement en 2003 par l’État au titre des sites et paysages de huit hectares de murs à pêches à Montreuil. Les murs à pêches constituent un exemple unique de friche agricole. Mais leur état actuel nécessite de les restaurer rapidement. Aussi les associations agissent pour inviter les pouvoirs publics à restaurer ce patrimoine unique.


La Société régionale d’horticulture de Montreuil (SRHM) a été créée en 1878 par les cultivateurs pour faire la promotion de leur production. Grâce à l’action de la SRHM et alors que la production de pêches était menacée, la notoriété de la production montreuilloise atteint une reconnaissance internationale par les médailles d’or que les cultivateurs décrochent dans les expositions universelles. Ils exportent alors leurs productions dans toute l’Europe et aux Etats-Unis. En 1921, ils créent un lieu d’échange de savoir, le Jardin-Ecole et y dispensent des cours gratuits pour le public amateur. Ils créent un musée itinérant constitué de collections d’outils et de gravures. Ce jardin et ses collections existent encore aujourd’hui et fondent l’existence de cette association historique. De nombreuses autres associations sont nées récemment pour la défense de ce patrimoine et une des plus actives d’entre elles, l’association des Murs à pêches (MAP), crée en 1994, explore des nouvelles voies pour la valorisation de ce patrimoine dont une nouvelle page de l’histoire est aujourd’hui à inventer.

En 2006, la SRHM a sollicité le centre de formation de Maison paysanne de France pour créer une formation à la restauration des murs à pêches pour les professionnels et les amateurs. L’association Murs à pêches a créé un chantier d’insertion autour de la restauration des murs à pêches.

DécoSystème